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La CITES place en annexe 1 une espèce couramment reproduite en captivité

Lors de la conférence CITES(1) qui s’est déroulée en mars dernier, le « triton de Kaiser », Neurergus kaiseri, a été placé sur l'annexe 1(2).
Bien sur, le Triton n’est pas une espèce aquariophile. Mais cette décision est importante car elle pourrait s’appliquer, à l’avenir, à certaines espèces élevées par les aquariophiles.

Les spécialistes européens, par l’intermédiaire d’Anton Lamboj, affirment qu’il s’agit absolument d’une mauvaise décision puisque d’après les spécialistes en tritons il y aura, rien qu’au cours de l’année 2010, quelques 1 000 nouvelles reproductions en Allemagne et probablement plus de 10 000 en Autriche. Il ne sera alors plus possible de les donner si les dispositions de l'annexe 1 étaient pleinement appliquées !
De cette manière, ce n’est pas la protection des espèces qui est pratiquée par la CITES mais la destruction d’individus, peut-être même d’espèces. Aucun éleveur ne peut en effet se permettre de fournir officiellement des centaines voire des milliers d’animaux avec des formulaires CITES (un éleveur autrichien possède plus de 1 000 œufs cette année !).
Il faut donc que les responsables associatifs, notamment terrariophiles, deviennent rapidement très actifs !
Il est important d’une part, d’obtenir de la part de toutes les fédérations, si possible, des chiffres concrets concernant les reproductions existantes et futures, afin que nous puissions avoir un ordre de grandeur cohérent.
Il faut ensuite contacter les pouvoirs publics, pour atteindre, au moins au sein de l’Europe une solution pour les reproductions.
Anton Lamboj (EATA) a déjà commencé à collecter des données et des informations, en écrivant au WWF et a contacté le zoo de Vienne (Autriche), qui élève également des tritons et lequel est aussi indigné par cette disposition, comme il en sera également le cas pour nombre d’autres zoos européens auprès desquels il faudrait également rechercher des contacts.
En cas d’urgence il est nécessaire de préparer une campagne de presse, car en ce qui concerne un animal qui est reproduit dans cet ordre de grandeur il est insensé d’autoriser la disposition de la liste 1 à devenir effective.
Dans ce cas la CITES ne protège pas l’espèce, mais empêche qu’elle puisse être conservée sur une grande échelle.
Indépendamment de ce qui peut provenir du WWF, Anton Lamboj va préparer des articles pour des revues spécialisées, articles qui pourront également être insérés dans la presse grand public.

Commentaires de Patrick DE RHAM(3) au courrier d’alerte d’Anton LAMBOJ...
Je pense que c’est très important de réagir ensemble à ce cas, mais d’une manière réfléchie et en se servant de ce cas pour montrer quand à notre avis une espèce doit ou ne doit pas figurer dans les annexes de la CITES.
Il faudrait que les responsables de la CITES comprennent que l’on intervient non seulement pour ne pas brimer inutilement les terrariophiles qui élèvent cette espèce, mais aussi pour le bien de la crédibilité et de l’utilité de la CITES, et finalement pour la sauvegarde de l’espèce et d’autres espèces qui présenteraient un cas semblable.
Pour que la crédibilité et l’efficacité de la CITES ne soit pas mis en doute et que ses recommandations et mises à ban soient respectées, il faut que ses décisions soient basées sur des arguments aussi inattaquables que possible et basés sur des connaissances scientifiques. Je ne connais rien à l’espèce en question, mais s’il s’avère qu’elle est élevée massivement en captivité, il n’y a aucune raison d’interdire sa maintenance et même son commerce, pour autant qu’il s’agisse d’animaux d’élevage. Bien sûr l’espèce peut être menacée dans la nature, mais là, la CITES ne peut rien faire pour la protéger, ce n’est pas son rôle et elle n’en n’a pas les moyens. Si l’on estime que l’espèce n’est pas bien protégée dans son milieu naturel, c’est à travers d’organismes comme l’UICN (Union Mondiale pour la Nature) en collaboration avec d’autres organismes spécialisés, nationaux et/ou locaux, qu’il faudrait faire pression sur les autorités responsables de la faune du pays et de la région où vit l’espèce pour que des mesures de protection soient prises. Celles-ci pourraient comprendre l’interdiction de collecter l’espèce dans la nature, si cette mesure était jugée utile et était applicable.
La CITES ne peut pas et ne doit pas se mêler de cela.
Je profite de ce cas pour rappeler une chose qui me parait très importante : La CITES ne devrait s’occuper que des espèces qui sont menacées par le commerce international, que ce soit le commerce d’espèces vivantes ou des produits de ces espèces (exemple : ivoire, corne de rhinocéros, ailerons de requins, etc., etc., hélas). Sous peine de se disqualifier et de perdre sa raison d’être, elle ne devrait pas s’occuper d’espèces, même très menacées, si le commerce international n’est pas une des causes de leur raréfaction.
Par exemple, prenons le cas des cichlidés endémiques de Madagascar. Leurs espèces sont indéniablement en voie de disparition, mais l’aquariophilie et le commerce aquariophile ne sont absolument pour rien dans cet état de choses. Ces poissons, ou des produits dérivés de ces poissons, ne sont jamais exportés de Madagascar, au moins commercialement. Pour cette raison, les espèces de cichlidés malgaches ne doivent pas figurer dans les listes de la CITES. Par-contre, elles doivent et elles figurent dans le Livre Rouge des espèces menacées de l’UICN (IUCN Red data book) et à ce titre il est du devoir de cette organisation de faire ce qu’elle peut pour essayer d’obtenir leur conservation. L’inclusion dans les listes du CITES de cichlidés ou d’autres espèces menacées de poissons malgaches ne serait d’aucune utilité et pourrait même se révéler néfaste en compliquant encore plus l’obtention de permis d’exportation pour les quelques spécimens destinés à des élevages de conservation ex situ, malheureusement seule possibilité qu’il nous reste dans bien des cas pour essayer de sauver ces espèces, en espérant que par la suite on pourra faire quelque chose dans leur île d’origine.
Il y a un autre motif pour s’opposer à ce que des espèces menacées pour des raisons qui ne sont pas du ressort de la CITES, soient incluses dans les listes de cette dernière. Certains gouvernements et administrations pourraient être tentés, en obtenant cette inclusion dans les listes de la CITES, de faire croire à leur opinion qu’ils ont ainsi fait leur devoir et leur « possible » pour protéger ces espèces, alors que bien entendu il n’en serait rien.
Pour qu’une espèce menacée ait une chance de recevoir une certaine protection, il faut quelle soit connue et je dirais même aimée, non seulement de quelques spécialistes qui risquent de crier dans le désert, mais aussi d’un public plus large.
Ainsi ce triton, s’il devait disparaître des élevages des terrariophiles, risquerait de sombrer dans l’oubli, et faute d’appui sa conservation dans son milieu naturel serait d’autant plus difficile à obtenir, sans compter, que dans ce cas, l’élevage en captivité pourrait être l’ultime recours pour empêcher son extinction. Je ne le connais pas assez bien pour me prononcer.
Voici les quelques réflexions que m’inspirent ce cas. Bien entendu si on voulait les présenter officiellement à la CITES au nom de l’EATA, il faudrait encore beaucoup les travailler, sans trop attendre, cependant !

Patrick de Rham

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La Fédération Française d’Aquariophilie se range tout à fait au côté d’Anton Lamboj et de Patrick De Rham et se tient prête à soutenir toutes les actions qui seront entreprises par EATA et les Fédération européennes.

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(1) Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction plus connue sous le nom de "Convention de Washington".

(2) Cet annexe regroupe les espèces animales ou végétales sauvages menacées d’extinction et dont le commerce international (importation, exportation et réexportation) est interdit. Seules des importations dans un but scientifique sont autorisées dans le cadre d’une procédure très stricte : un permis CITES d’importation est délivré par la direction régionale de l'environnement compétente, sur avis du Muséum National d’Histoire Naturelle. Au vu de ce document, l’administration compétente du pays d’origine délivre un permis d’exportation. Il est repris en annexe A par l’Union Européenne dans le règlement (CE) n° 338/97.

(3) Patrick de Rham est Docteur en écologie, il a occupé, à travers le monde, différents postes au sein de l'UNESCO ce qui lui a permis d'étudier tant la faune que la flore. Mais son domaine de prédilection a toujours été le milieu aquatique d'eau douce. Il a pêché dans des milieux invraisemblables en Amérique centrale, en Amérique du sud et surtout à Madagascar avec son compère le regretté J-C Nourissat. Il a découvert de nombreuses espèces nouvelles qu'il a ensuite maintenues en aquarium afin de les étudier et les reproduire. Les livres et articles qu'il a écrit, ses nombreuses conférences à travers le monde, lui ont permis de divulguer ses connaissances dans le monde aquariophile. Sa contribution à la connaissance des biotopes aquatiques a permis de mieux connaître les nécessités vitales de nos poissons. Il est membre d'honneur de l'AFC et de plusieurs associations suisses. Il a reçu le Mastère Fédéral FFA en 2009.