COP19COP 19 : 2 espèces aquariophiles concernées
Pour la réunion des Parties CITES qui se déroulera à Panama, en novembre, 52 propositions ont été déposées dont 2 (n° 39 & 41) intéressent les aquariophiles, concernant Hypancistrus zebra et Potamotrygon spp.


Le secrétariat CITES a étudié les contributions fournies par les Comités d’experts des pays concernés et a rendu ses conclusions. Sans être une obligation, celles-ci sont, dans la plupart des cas, suivies par les pays membres, même si d’autres expertises et contre-arguments sont fournis avant la COP.

Concernant Hypancistrus zebra
Le Brésil demande son déplacement de l’annexe III à l’annexe I
Le secrétariat CITES estime que l'espèce a une aire de répartition restreinte mais le rapport des experts ne permet pas d’estimer que la population présente une vulnérabilité élevée. Le secrétariat note en outre un manque d’informations concernant l’éventuel déclin de la population naturelle et la diminution de la qualité de l’habitat.

Concernant Potamotrygon spp
Le Brésil demande le placement de Potamotrygon wallacei et Potamotrygon leopoldi (ainsi que de plusieurs espèces semblables) sur l’annexe II.
Le secrétariat estime que les preuves du déclin de la population de P. leopoldi et P. wallacei sont insuffisantes pour en modifier le classement

Ci-dessous (et en pièce jointe), vous trouverez la traduction des propositions 39 et 41.

La totalité des notifications (en anglais) est disponible ici



COP 19 – Novembre 2022 – Panama

NOTIFICATION AUX PARTIES CONCERNANT LES PROPOSITIONS D'AMENDEMENT DES ANNEXES I ET II

Évaluations provisoires du Secrétariat
La liste des 52 propositions d'amendement des Annexes I et II à examiner lors de la 19è réunion de la Conférence des Parties (CoP19, Panama City, 2022) a été communiquée aux Parties par « notification aux Parties n° 2022/052 du 8 juillet 2022 ».


Proposition 39

Potamotrygon albimaculata, P. henlei, P. jabuti, P. leopoldi, P. marquesi, P. signata et P. wallacei (Raies d'eau douce)

Proposition : Inclure dans l'annexe II
Promoteur : Brésil

Évaluation provisoire par le Secrétariat

Contexte de la CITES
En 2010, la décision 15.85 s'adressait aux États de l'aire de répartition des espèces de la famille des Potamotrygonidae (raies d'eau douce américaines) les encourageant à envisager l'inscription d'espèces endémiques et menacées de pastenagues d'eau douce (Potamotrygonidae) à l'annexe III de la CITES comme nécessitant la coopération d'autres Parties pour le contrôle des échanges.

En 2016, la décision 17.247 a encouragé les États de l'aire de répartition des raies d'eau douce (famille Potamotrygonidae) à inclure toutes les espèces préoccupantes, telles qu'identifiées par le Comité pour les animaux, à l'annexe III, et examiner les options pour l'inscription d'espèces à l'annexe II. Les espèces prioritaires identifiées par le Comité pour les animaux inclus ce qui suit en notant que les espèces prioritaires identifiées comprennent à la fois des espèces non décrites et des groupes d'espèces (AC28 Doc. 18) :
  * Complexe d'espèces P. "aiereba" (bassin de l'Amazone et de l'Orénoque) ;
  * P. leopoldi (bassin amazonien) ;
  * P. schroederi (bassin Amazone et Orénoque) ;
  * P. brachyura (autres bassins versants) ;
  * Complexe d'espèces P. "motoro" (tous bassins versants).

Lors de la CoP16 (2013), il a été proposé d'inscrire P. motoro et P. schroederi à l'annexe II (CoP16 Prop. 48), mais cette proposition a été rejetée.
Lors de la CoP17 (2016), P. motoro (CoP17 Prop. 45) a été proposé pour inscription à l'annexe II, mais cette proposition a été également rejetée.
Potamotrygon spp. (population du Brésil) a été inscrite à l'annexe III le 3 janvier 2017 à la demande du Brésil.

Objet et impact de la proposition
La proposition vise à inscrire P. leopoldi et P. wallacei à l'annexe II, conformément à l'article II, paragraphe 2(a) de la Convention et toutes les autres espèces de Potamotrygon spp. conformément à l'article II, paragraphe 2, point b) de la Convention.
Si la proposition est adoptée, le commerce international des spécimens de toutes les espèces de Potamotrygon sera réglementé conformément aux dispositions de l'article IV de la Convention.

Respect des critères d'inscription
Le texte justificatif suggère que l'inclusion de Potamotrygon spp. à l’annexe II satisfait aux conditions suivantes : critères de la résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP17), critères d'amendement des annexes I et II :
   * Critère A et B de l'annexe 2a : P. leopoldi et P. wallacei ;
   * Critère A de l'annexe 2b (critère de ressemblance) : P. albimaculata, P. henlei, P. jabuti, P. marquesi et P. signata.

P. wallacei et P. leopoldi sont des espèces endémiques de raies d'eau douce du Brésil. P. wallacei se trouve dans le bassin moyen du rio Negro dans l'État d'Amazonas, au Brésil et occupe des habitats spécifiques tels que les eaux noires courantes à faible pH et faible teneur en oxygène dissous.
P. leopoldi est endémique du rio Xingu et de ses deux affluents, les rios Iriri et Curua, et habite des zones avec des substrats de roches, de galets et de sable.

La déclaration rapporte que les deux espèces ont une croissance lente, une maturité sexuelle tardive et une faible fécondité, P. leopoldi ayant un temps de gestation de quatre mois, une maturité sexuelle à 3-4 ans pour les mâles et de 5-6 ans pour les femelles, fécondité utérine moyenne de 4,84 embryons/femelle, ce qui est corrélé à la taille corporelle de la mère et à un temps de génération estimé à 7,3 ans. Il signale que P. wallacei a un temps de gestation de trois mois, en moyenne, fécondité utérine de 2 embryons/femelle, qui est corrélée à la taille corporelle de la mère, avec un temps de génération estimée à 3,9 ans.

Le texte justificatif indique que les estimations de la population sont difficiles à quantifier en raison de l'accessibilité de leur répartition et fournit les informations suivantes sur les tendances démographiques pour chaque espèce :
   * P. leopoldi : le promoteur signale que le taux moyen de mortalité naturelle de l'espèce était de 0,27 (fourchette de 0,19 à 0,36) avant la construction de la centrale. Il précise en outre qu'avec l'ajout d'hypothèses de mortalités en cas de pêche, seule une mortalité inférieure à 0,15 permettrait à l'espèce de rester en équilibre, mais elle est estimée jusqu'à 0,15.
   * P. wallacei : le promoteur rapporte un taux moyen de mortalité naturelle de 0,52 (fourchette de 0,32 à 0,64) et que la mortalité lors de la première année de vie est de 0,75, la mortalité lors d’actions de pêche ayant une valeur de 0,7. Il est rapporté que la tendance de la population a été estimée à la baisse dans 30 % de son aire de répartition et stable dans 70 % de son aire de répartition.
Il indique en outre que dans la région du système fluvial Itu-Bafuana-Daraqua, il a été estimé que la population diminue de 4,17% par an.

Le texte justificatif indique que P. leopoldi est considérée comme la raie la plus précieuse est la plus populaire du Brésil en raison de son motif dorsal distinct. P. wallacei est, selon les promoteurs, dans le commerce international des poissons d'ornement depuis la fin des années 1970. Les deux espèces sont élevées en captivité à l'extérieur de l'aire de répartition et l'auteur note que les spécimens peuvent provenir de la nature pour compléter ou débuter un stock de base pour les installations d'élevage en captivité.

Le texte justificatif indique que les hybrides élevés en captivité sont fertiles et que les hybrides de P. leopoldi provenant d'établissements d'élevage en captivité, qui présentent des motifs dorsaux plus élaborés, sont plus demandés que ceux de la nature.

Les auteurs notent que depuis l'inscription de l'espèce à l'annexe III, il n'y a aucune trace d'exportation de P. leopoldi depuis le Brésil malgré des enregistrements de capture. La majorité des exportations de P. leopoldi sont des spécimens vivants des pays asiatiques et sont de code de source C ou F.
Il n'y a aucun commerce de P. wallacei dans la base de données sur le commerce. Cependant, le justificatif indique que P. wallacei n'a été décrit qu'en 2016 et était auparavant commercialisée sous le nom de P. histrix.

En ce qui concerne les facteurs spécifiques au taxon, le texte justificatif note que P. wallacei a une forte spécificité et est une espèce sédentaire, ce qui la rend très vulnérable aux facteurs extrinsèques. Dans le cas de P. leopoldi, les promoteurs affirment qu'une partie de son habitat a été constituée par l'installation de la centrale hydroélectrique du Belo Monte en 2011, ce qui a réduit le potentiel de reproduction de l'espèce.
En plus de capture de juvéniles pour le commerce international en tant qu'espèces ornementales, les promoteurs signalent que les adultes de P. leopoldi sont également pêchées pour l'alimentation.
Les promoteurs suggèrent que les deux espèces ont, concernant P. leopoldi, au moins deux populations différentes dans le rio Xingu et concernant P. wallacei au moins 13 populations dans le rio Negro moyen.

Considérations supplémentaires (y compris les recommandations pertinentes de la CoP)
P. marquesi n'est pas inclus dans la référence standard actuellement adoptée et aura besoin de sa propre nomenclature référente si la présente proposition est acceptée.

Conclusions provisoires
Sur la base des informations contenues dans le justificatif, il apparaît au Secrétariat qu'il n'y a pas suffisamment de preuve que les populations de P. leopoldi et P. wallacei déclinent à un point qui les rendrait éligibles à l'inscription à l'annexe I et il n'est pas évident qu’ils puissent satisfaire au critère B de l'annexe 2a de la résolution
Conf. 9.24 (Rev. CoP17).



Proposition 41

Hypancistrus zebra

Proposition : Inclure dans l'annexe I
Promoteur : Brésil

Évaluation provisoire par le Secrétariat

Contexte de la CITES
H. zebra a été inscrit à l'annexe III le 3 janvier 2017 à la demande du Brésil. C’est la première fois que cette espèce a été proposée pour inscription aux annexes.

Objet et impact de la proposition
La proposition vise à inscrire H. zebra à l'annexe I, conformément à l'article II, paragraphe 1, de la Convention.
Si la proposition est adoptée, le commerce international de spécimens de H. zebra d'origine sauvage sera interdit. Le commerce international de tous les spécimens de l'espèce sera réglementé conformément aux dispositions de l'article III de la Convention.
Si H. zebra est inscrit à l'annexe I, les élevages souhaitant exporter et commercialiser les spécimens de cette espèce devront être enregistrés auprès du Secrétariat conformément à la résolution Conf. 12.10 (Rev. CoP15), enregistrement des établissements élevant en captivité des espèces animales inscrites à l'annexe à des fins commerciales.

Respect des critères d'inscription
Le texte justificatif suggère que l'inscription de H. zebra à l'annexe I satisfait aux paragraphes B alinéas iii) et iv) et paragraphe C alinéas i) et ii) de l'annexe 1 de la résolution Conf. 9.24 (Rév. CoP17) sur les critères d'amendement des annexes I et II.

H. zebra est une espèce endémique au Brésil et se trouve dans le bassin amazonien, parties moyenne et basse du bassin du rio Xingu. D'après le justificatif, H. zebra atteint une taille d'environ 8 - 10 cm. On le trouve en eau peu profonde dans les crevasses et les cavités parmi les roches submergées du rio Xingu et n’est donc pas uniformément réparti dans le bassin fluvial. L'aire de répartition de l'espèce est calculée à 6 930 km2 et une zone d'occupation de 528 km2, qui comprend l'habitat potentiel, selon le justificatif.

Le texte justificatif indique que l'espèce a un taux de croissance lent, une faible fertilité et une durée de génération de 2,5 ans avec une longévité maximale de 5 ans en milieu naturel. Il est rapporté que la ponte comprend de 8 à 30 œufs et les femelles atteignent la maturité sexuelle entre la première et la deuxième année.

Le promoteur signale que l'installation du barrage de Belo Monte en 2016 a impacté la population en amont du barrage et a réduit le débit d'eau en aval du barrage, ce qui a réduit l'aire de distribution et la qualité de l'habitat de l'espèce. Toutefois, le justificatif indique que malgré l'installation du barrage, l'espèce peut encore être trouvée, et de nombreux spécimens juvéniles ont été saisis par la police fédérale au Brésil entre 2021-2022 indiquant que l'espèce se reproduit dans le bassin après l'installation du barrage.

Bien qu'il n'y ait pas de taille de population publiée, les promoteurs affirment que l'espèce n'est pas rare, mais a connu une forte baisse entre 1990 et 1997 sur la base d'informations anecdotiques. En raison de l'impact du barrage, qui a détérioré la qualité de l'habitat et rendu l'espèce plus vulnérable aux captures, les promoteurs estiment que dans la décennie 2016-2026, il y aura un déclin de la population de plus de 80%. Cependant, aucune donnée quantitative n’est présentée pour étayer le déclin prévu.

L'espèce est considérée comme en voie de disparition au Brésil depuis 2005 et la capture, le transport et la vente de spécimens sauvages de H. zebra sont interdits. De plus, l'élevage en captivité de l'espèce au Brésil est interdit.

Le promoteur rapporte que l'espèce a été élevée en captivité à petite échelle depuis la fin des années 1990 en Europe et dans les États-Unis d'Amérique, à partir de 2000 à grande échelle en Indonésie, et actuellement à grande échelle en Ukraine et République tchèque. Malgré la protection au Brésil et l'élevage en captivité en dehors de l'État de l'aire de répartition, le texte justificatif indique qu'il existe un commerce illégal vers les pays limitrophes du Brésil, Colombie et Pérou.
Il fournit des registres de saisie de l'espèce par l'Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables.
Ressources (IBAMA) entre 2006 et 2019, soit 4115 individus. Les promoteurs précisent en outre qu'entre 2003 et 2020, H. zebra était l'espèce la plus saisie représentant 44,6% des saisies de poissons d'ornement en Amazonie brésilienne réalisée par la police fédérale et l'IBAMA (Beltrao et al. 2021).

La base de données sur le commerce CITES montre que la majorité du commerce enregistré depuis l'inscription de l'espèce dans l'annexe III en 2017 concerne les spécimens vivants exportés d'Indonésie à des fins commerciales avec la source code F.

Considérations supplémentaires (y compris les recommandations pertinentes de la CoP)
Il existe un vaste élevage en captivité de l'espèce en dehors de l'État de l'aire de répartition, ce qui semble fournir le commerce international de l'espèce.

Conclusions provisoires
Sur la base des informations contenues dans le justificatif, le Secrétariat considère que l'espèce a une aire de répartition restreinte (paragraphe B de l'annexe 1), mais il n'est pas certain que la population présente une vulnérabilité élevée à des facteurs intrinsèques ou extrinsèques et qu’il y ait une diminution prévue du nombre d’individus ou de la qualité de l'habitat de l'aire de distribution.
Il n'y a pas suffisamment d'informations pour déterminer s'il y a eu un déclin de la population dans la nature (paragraphe C de l'annexe 1) et sur ce qui peut être déduit quant à la diminution de la qualité de l'habitat ou des niveaux ou modes d'exploitation.