Logo france 128Pour des relations équilibrées entre l'Homme, la nature et les animaux
Entre une position “ultra-libérale” qui tend à privilégier le développement économique sans se préoccuper des conséquences sur la nature, et le catastrophisme entretenu par des mouvements qui prônent une décroissance et un retour à un “état de nature”, il est possible de soutenir une position équilibrée, incarnée, notamment, par le concept de développement durable, qui permet aux générations présentes de répondre à leurs besoins, sans compromettre les possibilités des générations futures de répondre aux leurs.

Les relations homme-nature

On peut distinguer au moins deux courants en écologie : une écologie profonde et une humaniste.

   • L’écologie profonde (deep ecology), fondamentaliste ou extrême, soutient que l’homme n’est qu’un élément de la biosphère parmi les autres et n’a pas plus de droits que ces derniers. La nature est posée comme valeur suprême à laquelle il faut se plier, certains allant jusqu’à la sacraliser. Les animaux, mais aussi les végétaux et minéraux, auraient une personnalité juridique et donc des droits. Les “lois de la nature” prévaudraient sur les lois que se sont données les hommes. Cette idéologie, d’ailleurs soutenue par des mouvances d’extrême droite et d’extrême gauche, est à rejeter comme clairement antihumaniste et antidémocratique.

   • L’écologie humaniste, ou réformiste, accepte le développement industriel et technique et les valeurs de la modernité. Simplement, elle en souligne les limites et les dangers, et entend agir pour les corriger, car protéger la nature, c’est protéger l’homme dans la mesure où il s’agit de protéger la qualité de son environnement. Elle reconnaît que l’homme n’est pas seulement un être de nature mais également un être de culture, capable de se donner une morale, ce qui le distingue des animaux et des plantes.

L’homme est le seul à pouvoir agir délibérément sur la planète, ce qui lui confère une responsabilité et des devoirs vis-à-vis de la nature, des animaux et de lui-même.

L’écologie humaniste s’oppose à l‘écologie profonde. L’écologie humaniste soutient l’idée selon laquelle justice sociale et protection de l’environnement vont de pair.

L’agriculture et l’élevage modernes ont permis de réduire la malnutrition, la pauvreté et parfois les famines dans un grand nombre de pays. Il est fondamental de sauvegarder le potentiel économique agricole sans pour autant dégrader les écosystèmes. Il est certes nécessaire d’encourager divers types d’agricultures permettant au consommateur de choisir, mais aussi de pratiquer une agriculture de rendement sur des bases différentes, raisonnables et raisonnées. À l’abstrait, qui conduit souvent des populations urbaines, totalement déconnectées de l’élevage ou de l’agriculture, à idéaliser une nature mythique et généreuse, doit être préféré le concret et toute recherche scientifique permettant de réduire les conséquences défavorables de certaines pratiques agricoles sur l’environnement. Par ailleurs, contre l’uniformisation et la domination mondiale de quelques variétés de végétaux et animaux, il convient de promouvoir la diversité des races et variétés locales, souvent bien adaptées, partie intégrante de notre patrimoine historique, gastronomique et culturel, et de la biodiversité.

On veillera bien évidemment à éviter le gaspillage des ressources, à prévenir et limiter les pollutions, à privilégier les biens et comportements durables ainsi que le développement des énergies renouvelables.

 

Les relations homme-animaux

De même, en ce qui concerne plus précisément les animaux, entre les deux extrêmes que représentent l’animal traité comme une simple “machine” et l’animal “sujet de droit”, on peut adopter un juste milieu :

   • les animaux sont objets de devoirs de la part de l’homme ;

   • ces devoirs doivent être définis selon une conception non anthropomorphiste, humaniste et scientifique de la protection animale, sous peine de dommages sociaux et économiques, voire écologiques, qui risquent de se révéler, à terme, préjudiciables aux animaux eux-mêmes.

La contestation de la différence entre hommes et animaux, et l’attribution à tous de droits semblables, au motif qu’ils possèdent un grand nombre de gènes communs et que tous sont des “êtres sensibles”, se heurte à plusieurs incohérences, telles que :

   • si les animaux ont les mêmes droits que les hommes, ils possèdent aussi un droit à la vie : en conséquence, tous les hommes devraient devenir végétariens ;

   • une démarcation entre animaux “supérieurs” et “inférieurs”, de part et d’autre d’un seuil de sensibilité, impossible à définir...

Ce qui sépare clairement l’homme des animaux, c’est la capacité à exercer une responsabilité ; l’animal ne peut pas avoir de droits parce qu’étant dépourvu de conscience morale, il ne saurait avoir de devoirs.

On entend parfois dire que les relations entre l’homme et les animaux ne profitent qu’aux hommes : cela relève de la mauvaise foi ou de l’ignorance. Il existe en fait des relations et des contreparties diverses et complexes, nécessaires au maintien ou au rétablissement des équilibres vitaux dans un souci de survie et d’équité.

Les “extrémistes” de la protection animale, sans doute sincères dans leurs convictions, ont toute liberté d’adopter un comportement personnel en adéquation avec elles. Mais lorsqu’ils militent de façon violente pour la libération des animaux, soutenant que ces derniers sont traités comme des “esclaves” et ne sont pas là pour nous servir d’aliment, de vêtement, de sujet d’expérience ou de divertissement, ils se comportent de manière sectaire.

Une position équilibrée, de nature à faire consensus, revient à reconnaître à l’homme le droit d’utiliser les animaux dans le cadre de nécessaires relations d’interdépendance :

   • le droit de s’en nourrir sans excès, après leur avoir assuré une bien-traitance en phase d’élevage et une mort dans des conditions acceptables ;

   • le droit d’expérimenter sur l’animal, inévitable tant qu’il n’existe pas de méthodes de substitution fiables qui rendent compte de la complexité du vivant, en respectant la règle des 3 R (remplacer, réduire, raffiner), sous la responsabilité des chercheurs ;

   • le droit à des activités de divertissement impliquant des animaux ;

Pour comprendre les relations de l’homme avec les animaux, il faut bien voir leur complexité, qui mêle le besoin de connaître et de maîtriser la nature, de côtoyer les animaux, y compris les espèces sauvages, en parcs zoologiques ou autres formes de captivité, de réguler les espèces, de bénéficier si besoin du rôle cathartique de l’animal, de sauvegarder des pratiques et des savoirs traditionnels, ainsi que des espaces naturels, etc.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que supprimer certaines pratiques contribuerait à la disparition d’espèces ou races sélectionnées en vue d’une fonction précise (chiens, bovins, oiseaux, etc.) et à l’appauvrissement du patrimoine génétique.

Au total, promouvoir des relations équitables avec les animaux, c’est :

   • reconnaître que, dans des situations très diversifiées, l’homme a fondamentalement besoin d’eux et qu’il en est dépendant ;

   • les considérer tous avec respect et, lorsqu’ils sont domestiques ou captifs, leur assurer bien-traitance et santé ;

   • les protéger de la disparition en tant qu’espèces ou races, et contribuer ainsi au maintien de la biodiversité, Le tout en se basant, non sur des impressions, des sentiments ou des idéologies, mais sur la raison, l’expérience et la connaissance scientifique.


Ont participé à la rédaction :
Jean-Pierre DIGARD – Anthropologue, Directeur de Recherche émérite au CNRS ; Jacques-Gabriel SERVIÈRE – Neurobiologiste, Directeur de Recherche à l’INRA ; Xavier LEGENDRE – Docteur Vétérinaire, Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle ; Bernard DENIS – Professeur honoraire de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes ; Jean-Emmanuel EGLIN – Juriste, Vice-Président de ProNaturA-France ; Pierre de BOISGUILBERT – Secrétaire Général de la Société de Vènerie ; Charlotte DUNOYER – Docteur Vétérinaire, Fédération Nationale des Chasseurs.